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Le contrat d’agence à la lumière du document de travail de la DG concurrence
Veille juridique
9 mars 2021
Par son document de travail en date du 5 février 2021 élaboré dans le contexte de la refonte du règlement sur les exemptions verticales et leurs lignes directrices (attendus en mai 2022), la DG concurrence fait le point sur la circonstance particulière du distributeur endossant le double rôle de distributeur indépendant et d’agent pour un même fournisseur.
L’hypothèse traitée par la DG concurrence est la suivante : le contrat d’agence est traité comme accessoire du contrat de distribution (pt.2) ; les deux contrats s’exécutent sur le même marché et le produit soumis au contrat d’agence présente des caractéristiques particulières (meilleure qualité, innovation) (pt.3) permettant de le distinguer objectivement du produit distribué dans le cadre du contrat de distribution.
Le document en cause fait notamment état de deux risques tenant au cumul de ces deux types de contrat, à savoir le risque d’influence du contrat d’agence sur l’exercice du contrat de distribution, ainsi que leur distinction sensible, pouvant aboutir à une requalification du contrat d’agence qui sera alors soumis au droit des ententes.
En premier lieu, l’interdiction d’imposer un prix de revente, dans le cadre d’un contrat de distribution, constitue une restriction caractérisée au sens de l’article 4 du règlement sur les exemptions verticales. A l’inverse, dans le cadre d’un contrat d’agence, l’agent ne devenant pas propriétaire du bien, le mandant fixe le prix. (§49 des lignes directrices) Ainsi, « le prix de vente du produit soumis au contrat d’agence serait donc fixé par le fournisseur, alors que le distributeur maintiendrait sa vente des autres produits de façon libres » (pt.3).
La DG concurrence s’inquiète de cette ambivalence entre liberté tarifaire et fixation du prix dans des relations de distribution entre deux mêmes parties. Le risque d’influence des conditions imposées par le contrat d’agence sur « la motivation et la liberté de décision lors de la vente des produits soumis au contrat de distribution indépendant », notamment quant à la politique des prix sus-décrite, est important (pt.7). L’accent est mis sur l’amplification de ce risque lorsque « les produits en cause évoluent sur le même marché pertinent ». Du fait de la distinction objective des produits dans l’hypothèse présentée, le risque est moins élevé que si les produits étaient substituables (pt.10).
Aux vues des points soulevés, la DG concurrence souhaite sensibiliser les distributeurs/agents afin qu’ils veillent à bien distinguer leur comportement selon le contrat qu’ils exécutent, et qu’ils soient attentifs aux risques d’influence des conditions d’exercice d’un contrat sur l’autre.
En deuxième lieu, au-delà de ce risque, le double rôle du distributeur/agent peut mettre en péril la qualification même du contrat d’agence et l’exposer au droit des ententes. La DG concurrence rappelle qu’afin de ne pas être soumis au droit des ententes, notamment en cas de combinaison, il est nécessaire que le distributeur soit libre d’entrer dans la relation d’agence et que tous les risques liés à la vente des produits soumis au contrat d’agence à des tiers soient supportés par le mandant, supposant donc une délimitation précise de ces risques (pt.15).
Une entente, au sens des articles 101§1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE) et L420-1 du Code de commerce, s’entend comme un accord passé entre entités autonomes. La relation entre le mandant et l’agent, définit par les lignes directrices comme « une personne physique ou morale investie du pouvoir de négocier et/ou de conclure des contrats pour le compte d’une autre personne, soit en son propre nom soit au nom du commettant » (§12), n’entre pas dans leurs champs d’application, sous réserve du respect de certaines conditions.
L’agent est certes une entité juridique distincte de celle du mandant mais il n’en est pas moins soumis à ses instructions, ne pouvant déterminer son comportement sur le marché de façon autonome, et ne tombant donc pas dans le champ de qualification des ententes. L’évaluation de l’autonomie sur le marché repose sur le critère fondamental, posé par la jurisprudence européenne et repris par les lignes directrices, du « risque commercial ou financier que supporte l’agent en relation avec les activités pour lesquelles le commettant l’a désigné » (§13). Ainsi, si l’agent assume, en son nom, un ou plusieurs des risques ou des coûts de distribution listés au sein des lignes directrices (§14 et 17), alors il pourra être qualifié d’entreprise distincte de celle du mandant. Leur relation sera alors soumise au droit des ententes. A l’inverse, s’il ne supporte aucun de ces risques, ou qu’une partie négligeable, (CJCE, 11 sept. 2008, CEPSA c/ LV, aff. C-279/06) leur accord sort du champ d’application de l’article 101§1 TFUE. (pt.6) L’appréciation de cette autonomie est indépendante de la volonté des parties et s’apprécie « au cas par cas en tenant compte de la réalité économique plutôt que de la qualification juridique de la relation contractuelle en droit interne », via une appréciation in concreto. (CJCE, 14 déc. 2006, Confedereacion Espanola de Empresarios de Servicio / CEPSA, C-217/05).
Or le double rôle endossé par le distributeur/agent à l’égard d’un même fournisseur compromet ce critère fondamental, notamment quant aux investissements. Il est alors nécessaire de distinguer « les investissements qui concernent le fonctionnement du contrat d’agence, dont les investissements spécifiques au marché pertinent, et ceux concernant l’activité indépendante » (pt.8) afin que le mandant puisse s’assurer que son agent ne supporte pas des coûts prévus par les lignes directrices. Cette distinction suppose une délimitation précise et efficace des activités couvertes par le contrat d’agence, simplifiée par l’hypothèse étudiée par la DG concurrence.
Le mandant doit prendre en charge les « risques liés aux investissements propres au marché » qui sont généralement « irrécouvrables » (§14). Or, dans l’hypothèse envisagée, l’agent était déjà distributeur sur le même marché (pt.17). Ainsi, dans son rôle de distributeur indépendant, l’agent aura déjà couvert un certain nombre d’investissements qui concernent aussi bien la distribution indépendante que le contrat d’agence du fait de leur rattachement à la spécificité du marché.
Afin de convenir du niveau de remboursement des frais liés à l’exécution du contrat d’agence, la DG concurrence propose que le mandant se fonde sur l’hypothèse dans laquelle le distributeur indépendant n’était pas encore actif sur le marché pertinent avant de conclure le contrat d’agence. Ainsi, il pourra évaluer les investissements pertinents au regard de l’activité de l’agent (pt.20). Les investissements communs aux deux relations, quant à eux, doivent être soumis au remboursement du mandant appartenant alors à la catégorie des investissements pertinents en raison du marché en cause.
Néanmoins, il ne faut pas y voir une extension trop importante de ce remboursement qui couvrirait également les dépenses liées à la distribution indépendante. En effet, ceux exclusivement liés à la distribution indépendante du produit différencié ne sont pas couverts par le mandant (pt.22).
Enfin, afin d’éviter tout abus de la part du fournisseur, la DG concurrence insiste sur la nécessaire interprétation stricte des lignes directrices, afin que la mise en place d’un contrat d’agence ne devienne pas un simple outil de contrôle des prix (pt.13).
En conclusion, telle que décrite par la DG concurrence dans le document commenté, la volonté de contracter avec son distributeur pour la distribution sur un même marché de produits similaires par le biais d’un contrat d’agence nécessite une grande vigilance quant à la distinction des deux contrats lors de leur exécution, dont la charge incombe tout particulièrement au fournisseur.
Il convient de rappeler qu’il ne s’agit que d’un document de travail qui ne porte pas préjudice aux futurs travaux de la Commission quant à la réforme en préparation (pt.2). Les développements et analyses susmentionnés peuvent être amenés à changer, évoluer ou même ne pas faire l’objet de la réforme.